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Francis Moreau

Présentation de travaux de recherches historiques et généalogiques

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Chemins antiques et médiévaux en lodévois

 

La cité capitale de Lodève, évêché et chef-lieu, est curieusement située au fond d'une vallée, dans un espace relativement restreint et au confluent de deux rivières, la Lergue et la Soulondre. Le tout, au pied du plateau du Larzac semi-désertique, dans un endroit peu propice à la pénétration de son espace par des voies et itinéraires nombreux et fonctionnels.

De fait, établie en marge de la plupart des parcours répertoriés par les archéologues, la ville sera au cours des âges quasiment incapable d'unifier son territoire entre haut et bas pays lodévois (in montanis, ultra Lirgam et citra Lirgam). Seule l'action très volontariste des évêques de Lodève parviendra à maintenir une unité féodale contraignante à défaut d'une centralité économique toujours recherchée.

A aucune époque en effet Lodève n'a pu être un passage obligé entre plaine et montagne. Malgré l'historiographie locale, la portion de la voie romaine Segodunum à Cessero qui passe par Luteva, figurée sur la Table de Peutinger, n'a jamais constituée un axe prioritaire, sauf sans doute pour ses promoteurs romains et pour des impératifs plus politiques que véritablement économiques.

Pendant de nombreux siècles, la ville ne sera effectivement desservie que par des sentiers muletiers et il lui faudra attendre le XVIIIe siècle pour connaitre un réel désenclavement, prémices de nos routes actuelles. Ce sera l'œuvre de deux évêques conscients des limites de leur ville, Jean-Georges de Souillac (1732-1750) et Jean-Félix-Henri de Fumel (1750-1790).

Les Voies Romaines

Segodunum à Cessero

La première en importance, et peut-être la seule, est la voie de Segodunum (Rodez) à Cessero (Saint-Thibéry) ou elle rejoint la via Domitia. Elle atteignait le Larzac par le col du Pertus (ou par Poujols et Murène d'après André Soutou) et traversait ensuite le plateau de l'Escandorgue avant de rejoindre les Rives et Millau (Condatomagus). Bien que figurant sur la Table de Peutinger, le tracé de cette voie par Luteva (Lodève) a été rapidement abandonné au profit d'une variante qui empruntait le chemin des Aulas près de Saint-Saturnin pour escalader le Larzac par la côte de Montpeyroux ou d'Arboras (Cami ferrat). Cette voie reliait donc Rodez et Millau aux ports méditerranéens en évitant le couloir de la Lergue et Lodève. Nous retrouverons le tracé lodévois par la suite (vers Clermont et Pézenas), sous le nom de chemin muletier du "Pas du Pertus".

Via Luteva

Cette voie, qui reliait Nîmes à Toulouse est aussi appelée « Vieille Toulouse ». Elle devait traverser la région par Saint-André-de-Sangonis, Clermont et Bédarieux, elle ne passait donc pas par Lodève comme son nom l'indique pourtant. En réalité, son existence est plus que douteuse. Le pont de Sommières qu'elle emprunte semble constituer une voie bis de la via Domitia, utilisée notamment lorsque la route d'Ambrussum était embarrassée par les crues du Vidourle. En outre, ce pont a été édifié par l'empereur Tibère au Ier siècle de notre ère, alors que le site de Vieille-Toulouse était déjà abandonné au profit de la ville actuelle de Toulouse, reliée à la Domitienne par la via Aquitania.

Voie de Lodève au Vigan

Cette voie, plus qu'improbable elle aussi, est sans doute le résultat d'un empilement de connaissances partielles autour d'un itinéraire certainement plus récent. Elle est supposée rejoindre le plateau du Larzac par Soubès puis continuer par La Trivalle, Saint-Maurice et Madières en direction des Cévennes. Le Vigan (Avicantum) n'a pris le nom d'Arisitum qu'au VIe siècle seulement. D'évidence il y a confusion en plusieurs endroits entre la voie romaine d'Anderitum (Javols) à Segodunum par Silanum, et le chemin médiéval de Regordane entre les Cévennes et Saint-Gilles-du-Gard.

Chemins médiévaux

  1. Chemin de la Côte de Saint-Guilhem

    C'est la voie la plus orientale, qui venant d'Aniane, passe par le Pont-du-Diable (XIesiècle) et gagne le Larzac par la Coste-Vieille puis au XVIIe siècle par le Pas de l'Escaliou.

  2. Chemin de la Côte de Saint-Jean-de-Fos

    Il se sépare de la précédente au Pont-du-diable et passe plus à l'Ouest pour escalader le causse.

  3. Cami Ferrat

    Il vient de Gignac ou il franchit l'Hérault sur un bac. Il traverse Lagamas et escalade le causse du Larzac par Montpeyroux, c'est la « grande côte de Montpeyroux ». Il s'agit pour partie de l'ancien itinéraire romain de Millau vers les Aulas et la côte méditerranéenne. C'est à l'époque médiévale une importante route de pélerinage qui relie le sanctuaire de Rocamadour à Saint-Gilles et au delà, Rome ou la Terre-Sainte. A la Pezade, il bifurque vers Saint-Pierre-de-la-Fage, Montpeyroux, le Pont-du-Diable, et se dirige vers Nîmes et la vallée du Rhône.

  4. Chemin de la Côte d'Arboras

    Plus à l'Ouest que le chemin précédent, il passe au-dessus du village d'Arboras pour atteindre le Larzac.

  5. Chemin de Nant à Lodève

    Ce chemin qui passait par La Couvertoirade, était emprunté par les Templiers du Larzac lorsqu'ils descendaient dans leur maison de Lodève (rue Cavalerie).

Sentiers muletiers

  1. Le chemin de Lodève au Caylar par la côte de Molenty et la Canourgue. Cet itinéraire malgré son nom populaire de « cami Farrat » et ceux plus modernes de « Voie Romaine » et de chemin de « la Camargue » n'a probablement rien à voir, ni avec la voie de Lodève au Vigan, ni avec la Route du Sel. « Camargue » n'est rien d'autre en effet qu'une mauvaise lecture de « Canourgue », domaine appartenant aux chanoines de Lodève.

  2. Le chemin de Lodève au Caylar par la côte d'Amans, qui passe au Mas de Rouquet et près de la chapelle Saint-Clément sur le terroir de Soubès. Ce très ancien chemin était sans doute utilisé dès l'époque romaine par les potiers de la Graufesenque lorsqu'ils descendaient leurs marchandises vers Lodève et la Méditerranée. Des fragments de poterie sigillée ont été retrouvés sur ce parcours en 2010. Un pont permettait la traversée de la Brèze au lieu-dit « L'Oulette », sous le pont de l'autoroute A75.

  3. Le chemin de Pégairolles au Larzac par le Pas-de-l'Escalette.

  4. La route du Pas du Pertus ou Calada del Pertus, qui est l'ancienne portion de la voie romaine de Cessero à Segodunum.

Les Grandes Routes

Deux chemins négligés jusqu'alors vont être aménagés au XVIIIe siècle par l'évêque Souillac en vue d'y soutenir un trafic commercial intensif. Le premier est le chemin de Lodève à Montpellier par Gignac et la Côte de la Taillade. Le second est le chemin de Lodève à Pézenas et Béziers. Malgré le coût énorme des travaux et les oppositions inévitables, ils seront entièrement refaits et seront reliés entre eux par un pont construit à Cartels sur la Lergue. L'ouvrage sera terminé à la fin de l'année 1750. En outre, deux autres ponts seront réalisés sur la Marguerite et sur l'Agarel, près de Rabieux. En attendant la construction du pont de Gignac, une bretelle fût aménagée à partir de Saint-André-de-Sangonis vers Lagamas, Saint-Jean-de-Fos et le Pont-du-Diable.

La seconde moitié du XVIIIe siècle verra la création et l'aménagement de la route de Montpellier à Paris par l'Auvergne, en passant par Soubès, Saint-Etienne-de-Gourgas et Saint-Pierre-de-la-Fage puis Le Caylar. C'est la Route Royale de Montpellier à Paris qui ne sera complètement achevée qu'après le Directoire.

Mais ces routes préfigurent déjà nos routes modernes et déterminèrent l'essor industriel et commercial de la ville de Lodève au cours des XVIIIe et XIXe siècles.

Conclusion

Ce rapide panorama du réseau routier lodévois antique et médiéval (pour les voies les plus importantes) montre à quel point la cité de Lodève était autrefois tenue en marge de tout développement humain et économique. Cette situation explique la primitive implantation féodale dans la plaine, entre Lergue et Hérault, et Lergue et Dourbie. La maison seigneuriale de Clermont étant de loin la plus riche famille du diocèse donnera du fil à retordre aux évêques qui ne s'imposeront que par la grâce royale. Reste à trouver une explication pertinente à l'abandon des sites romains de la plaine au cours du second siècle de notre ère et au choix de Lodève comme capitale périphérique d'un territoire qu'elle ne pouvait ni bien défendre, ni même rendre prospère.

Francis Moreau
avril 2008

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Bibliographie :


E.Appolis, Le diocèse Civil de Lodève, imp.coop.du sud-Ouest, Albi 1951
M.Aliger, La Voie Romaine de Nîmes à Lodève, Bulletin du Comité d'Etudes et de Sauvegarde du Patrimoine de Congeniès n°3, sept.1976, p.5 à 16.
E.Bonnet, Antiquités et Monuments du Département de l'Hérault, 1905) Laffite Reprints, Marseille 1980
A.R.Carcenac, Les Templiers du Larzac, Lacour Nîmes 1994
Soutou André, Le Larzac autour de La Couvertoirade, Maury 1973
P.Garmy, Lahouari Kaddouri, Céline Rozemblat et Laurent Scheider, Structures Spatiales du Peuplement antique dans la cité de Luteva et Logiques spatiales et systèmes de villes en lodévois de l'Antiquité à la période moderne, XXVe Rencontre d'archéologie d'Antibes, édition APDCA, Antibes 2005
P.Garmy,Th.Panouillères et L.Schneider, Mais où est donc Luteva ? ou géopolitique d'une capitale improbable, en ligne sur Archives-Ouvertes