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Francis Moreau

Présentation de travaux de recherches historiques et généalogiques

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Les Châteaux de Mélusine

 

Si ces discours ne satisfont a l'incrédulité de vos seigneuries, présentement (j'entends après boire) visitez Lusignan, Parthenay, Vouvant, Mervant et Pouzauges en Poictou. Là trouverez tesmoings vieulx de renom et de bonne forge, lesquels vous jureront sus le bras de sainct Rigomé, que Melusine, leur première fondatrice, avait corps féminin jusqu'aulx boursavits, et que le reste en bas estoit andouille serpentine, ou bien serpent andouillique.

Lorsqu'il écrit ces lignes dans son Quart Livre, nul doute que François Rabelais songe aux récits recueillis durant son long séjour dans le Bas-Poitou, chez les Cordeliers de Fontenay-le-Comte d'abord (1520-1524), puis les Bénédictins de Maillezais ensuite (1524-1527). C'est d'ailleurs autour de la célèbre abbaye qu'il a entendu l'histoire fabuleuse de la fée Mélusine. Depuis 1014 en effet, de nombreux pèlerins s'arrêtaient à Maillezais pour y vénérer le bras de saint Rigomer, apporté par l'abbé Théodelin.[1] Les témoins de renom qu'il invoque sont des paysans vivant aux alentours de l'abbaye, voire des moines qui n'hésitent pas à jurer sur l'illustre relique.

Parmi les cinq châteaux cités par F. Rabelais, deux n'appartiennent pas au Bas-Poitou, Lusignan et Parthenay. Les autres châteaux sont mentionnés dans La Noble Histoire de Lusignan de Jehan d'Arras, sauf un, Pouzauges [2]. Cette exception suggèrerait la genèse bas-poitevine du récit de F. Rabelais, d'ailleurs confirmée par la légende vernaculaire qui fait dire à Mélusine dont le secret de bâtisseuse a été découvert à Pouzauges : Pouzauges, Tiffauges, Mervent, Châteaumur et Vouvent iront chaque an, je le jure, d'une pierre en périssant. Nous voyons apparaître ici deux nouveaux châteaux : Tiffauges et Châteaumur. Dans son récit, Jehan d'Arras mentionne le château de Talmont, mais celui-ci bien qu'en Bas-Poitou, est trop éloigné de l'Est vendéen pour avoir été retenu par la mémoire populaire [3] .

Selon la légende ces châteaux ont été construits par la fée Mélusine, à l'exemple de Vouvant dont les sept tours ont été bâties avec trois dornées de pierres et une goutée d'ayve.

On peut penser que la tradition populaire a voulu préserver un lien commun à tous ces lieux fortifiés. A nous de découvrir le fil rouge qui relie ces forteresses entre elles.

En Vendée, la majorité des châteaux n'apparaît qu'aux cours des XIe et XIIe siècles. Certains d'entre eux ont été élevés à l'initiative de la puissance publique, c'est-à-dire du Comte de Poitiers, c'est le cas de Vouvant ou Talmont. D'autres l'ont été à celle du Vicomte de Thouars, comme Tiffauges. Mais beaucoup ont dû être l'œuvre de potentats locaux, tirant parti de l'éloignement du pouvoir comtal, surtout lorsque le comte était le Roi d'Angleterre ! On peut citer Pouzauges, Châteaumur, Mervent. Ces châteaux, dont le rôle est loin d'être exclusivement militaire, sont aussi au cœur de la vie sociale. Ils exercent un pouvoir de commandement et de contrainte, comme de protection et d'initiative économique. Naturellement c'est vers eux et vers l'église que les populations tournent leurs aspirations, leurs mécontentements, leurs légendes et leurs mythes.

Tiffauges

Château de Tiffauges
Château de Tiffauges

Le château de Tiffauges, rendu célèbre par son plus redoutable seigneur, Gilles de Rais, a été édifié au XIIe siècle par Geoffroy, Vicomte de Thouars (1125-1173), avec le concours de son épouse Aenor de Lusignan, fille de Hugues VII de Lusignan et de Sarrazine de Lezay. On note aussi que leur petit-fils, Guy de Thouars (1183-1242) épousera Alix de Mauléon (1203-1243), elle-même petite fille d'Alix Chabot (1155-1216), soeur de Eustache Chabot (1160-1229), mère du plus célèbre des Lusignan : Geoffroy La Grand'dent.

Châteaumur

Château des Chatelliers-Châteaumur
Château des Chatelliers-Châteaumur

Avant d'être reconstruit au XIIe siècle, ce château était la propriété des Tournemine de Châteaumur. Guillaume de Châteaumur (1075-1140) avait épousé Antoinette Chabot (1085-1149), descendante de Guillaume Ier Chabot (990-1058) et de Mahaut de Lusignan, fille d'Hugues V de Lusignan (1005-1060). Le lien entre les Châteaumur et les Chabot (seigneurs de Vouvant et de Mervent) se resserrera encore avec les mariages d'Aenor de Châteaumur et de Thibaut III Chabot en 1140, puis celui d'Ayris de Châteaumur avec Sebrand III Chabot en 1278.

Pouzauges

Château de Pouzauges
Château de Pouzauges

La château de Pouzauges est célèbre par son donjon de type niortais, élevé au cours du XIIe siècle par la famille de Chantemerle. Vers l'an 1180, Belle-Assez (Bella-Satis) de Chantemerle épouse Savary de Mauléon [4], fils de Raoul de Mauléon et d'Alix Chabot, la petite-fille d'Eustache Chabot, mère de Geoffroy II de Lusignan La Grand'Dent. Parmi les enfants de Savary de Mauléon et Belle-Assez, deux filles. La première, Alix, Dame de Talmont (1185-1252), qui épouse le Vicomte Guy Ier de Thouars (1183-1246). Leur fils Aimery épousera Marguerite de Lusignan(1226-1288), fille de Hugues X de Lusignan et d'Isabelle Taillefer. La seconde, Marquise, épouse en 1226 Guillaume de Lusignan (1203-1229), demi-frère de Geoffroy II La Grand'Dent. Leur fille, Valence, héritera de son oncle Geoffroy II des seigneuries de Vouvant et de Mervent et épousera Hugues II l'Archevêque, seigneur de Parthenay.

Vouvant et Mervent

Château de Vouvant, Tour Mélusine
Château de Vouvant, Tour Mélusine
Château de Mervent
Château de Mervent

Ces deux châteaux sont inséparables bien que d'origines différentes. Le premier, Vouvant, a été édifié autour de 1014 par Guillaume III de Poitiers (V d'Aquitaine). C'est donc un château comtal. Le second mentionné dès 1074 castrum Matreventi a peut être une origine féodale et a succédé à un castrum carolingien en bois, chef-lieu du pago Matreventum. Dans le dernier quart du XIe siècle, Dame Alix (Mirabilis) de Vouvant et Mervent épouse en première noce Robert de Mauléon, puis en seconde Thibaut Chabot de Sainte-Hermine, auquel elle apporte les seigneuries de Vouvant et de Mervent. Leur descendante, Eustache Chabot (1160-1229), dame de Vouvant et Mervent, épouse Geoffroy Ier de Lusignan (1155-1223). Vouvant et Mervent entrent donc dans la maison de Lusignan. En 1214, les deux châteaux sont assiégés par Jean sans Terre. Geoffroy II de Lusignan (1200-1248), héros du roman de Mélusine sous le nom de La Grand'Dent, fera reconstruire les châteaux de Vouvant et de Mervent. Ce dernier se verra doter d'un donjon particulièrement fortifié dont les vestiges et la profondeur des cachots impressionnaient les visiteurs du XIXe siècle. Ces deux châteaux gardent donc l'empreinte très forte des Lusignan.

Eustache Chabot

Le lien entre ces châteaux apparaît bien être la famille de Lusignan et singulièrement Dame Eustache Chabot dont quelques auteurs (M.Mazet, abbé Ferdinand Charpentier) ont voulu faire l'archétype de Mélusine. C'est elle et son fils qui ont construit le château de Vouvant et la Tour Mélusine. C'est dans son château de Mervent que Raymondin découvre la nature féérique de son épouse Meslusine qui estoit en la cuve jusques au nombril en signe de femme, et peignoit ses cheveulx, et du nombril en bas signe de la queue d'une serpente grosse comme ung quaque à harenc, et moult longuement debatoit sa queue en l'eau, tellement qu'elle le faisoit bondir jusques à la voulte de la chambre. Et c'est encore de Mervent que s'enfuie la fée après que ce secret eut été ébruité : Et lors fist un moult doulereux plaint et un moult grief souspir, puis sault en l'air, et laisse la fenestre et trespasse le vergier. Et lors se mue en une serpente grant et grosse et longue de la longueur de XV piez. Et sachiez que la pierre sur quoy elle passa a la fenestre y est encores, et y est la fourme du pié toute escripte. Enfin, après avoir été surprise à la construction du donjon de Pouzauges la fée lance sa célèbre malédiction, cette forteresse des Mauléon est en lien étroit avec les Lusignan.

Le contexte politique régional aurait-il pu influencer la légende ? Depuis la disparition du duc Guillaume X d'Aquitaine (1137), le Poitou a perdu son autonomie dynastique pour se rattacher à des ensembles plus puissants. Par l'effet des deux mariages successifs de sa fille Aliénor (avec Louis VII en 1137 puis Henri II Plantagenêt en 1152), la province s'agrège d'abord au royaume de France (1137-1152), puis à l'Angleterre (1152-1206). Enfin, à la mort d'Aliénor (1204), Philippe Auguste entreprend l'annexion du Poitou et de la Saintonge, face à son maladroit rival Jean sans Terre. C'est chose accomplie en 1206, mais la situation demeure pleine d'incertitudes, car nombre de féodaux jouent leurs propres cartes. En 1241, les Lusignan fomentent une révolte dont le but est d'enrayer le dépérissement de leur influence battue en brêche au profit d'Alphonse de Poitiers, frère du Roi. En 1242, Louis IX doit assiéger et emporter par la force les châteaux de Fontenay-le-Comte (26 mai), Mervent et Vouvant (30 mai) tenus par l'intrépide Geoffroy II de Lusignan surnommé La Grand'Dent.

Geoffroy la Grand'Dent

Geoffroy II de Lusignan (1200-1248), apparaît localement comme le personnage pivot de la légende, bien que le surnom de la Grand'Dent lui ait été attribué par Jehan d'Arras et ne se retrouve dans aucun document qui lui soit contemporain.

Fils de Geoffroy Ier et d'Eustache Chabot, Geoffroy II épouse Clémence de Chatellerault en 1224, puis une certaine Aude. Il n'aura pas d'enfant légitime. Dans des circonstances encore mystérieuses, il est fait prisonnier par le Comte de Bretagne puis est libéré en 1230 par Henri III d'Angleterre à la condition de lui faire allégeance pour ses châteaux de Vouvant et de Mervent. Il se distingue surtout par ses violences envers les moines et l'abbaye de Maillezais dont il revendique l'avouerie, c'est-à-dire le protectorat, qu'il tenait de sa mère Eustache Chabot. Excommunié, il sera absous par le pape à Spolète en 1232, après avoir fait un pèlerinage pénitentiel à Rome. C'est la figure du persécuteur des moines et celle de l'incendiaire de Maillezais qui marque les esprits et influence les légendes locales. Il est en tout cas représentatif du penchant de l'aristocratie poitevine pour l'usage des armes en dehors de tout cadre étatique.

Le siège de Fontenay-le-Comte de 1242 inspirera à Benjamin Fillon la légende du borgne de Py-Chabot. Il attribuera le récit légendaire à la mémoire populaire de la fin du XVIIIe siècle, mais on sait avec certitude aujourd'hui qu'il s'agit d'une supercherie de sa part. Dans ce récit, Mélusine possède tous les traits d'une sorcière, alors que de nombreuses autres légendes promeuvent plutôt la fée bâtisseuse. S'il existe bien un domaine de Puy-Chabot à l'orée de la forêt de Mervent, il n'a jamais été lié aux Lusignan, mais à la famille Gazeau de Champagné et de Landourie. L'église de l'Orbrie abritait une chapelle dite des Gazeaux ou du Puy-Chabot. Le récit rapporté par B. Fillon sera repris dans de nombreux contes vendéens. [5]

Mélusine Bâtisseuse

Adoptée par l'Eglise, Mélusine dévie les pouvoirs féériques qui sont les siens au profit de l'orthodoxie religieuse et sociale. Dans le roman de Jehan d'Arras, elle se comporte en bonne chrétienne et bonne dame. C'est elle qui bâtit forteresses et églises (Saint Paul-en-Pareds), c'est la bienfaitrice des pauvres et des orphelins. Ses constructions débordent largement le cadre bas-poitevin [6]. Jehan d'Arras s'est probablement inspiré de plusieurs personnages réels tels Aliénor d'Aquitaine ou Mélisende de Jérusalem. Mais pour le Bas-Poitou, c'est incontestablement la figure d' Eustache Chabot qui s'impose, comme mère de Geoffroy à la Grand'Dent et mère mystique de la dynastie des Lusignan. La légende contredit l'Histoire, les Lusignan de Vouvant ne représentant qu'une branche mineure dans l'arbre généalogique de la famille.

Si elle bâtit beaucoup, Mélusine a laissé peu de traces dans la sculpture régionale. Les représentations qui lui sont attribuées ne sont le plus souvent que des représentations de sirènes, très communes au Moyen-Age : à Foussais, Vouvant et Poitiers. L'Hôtel dit de La Sénéchaussée à Fontenay-le-Comte, construit entre 1590 et 1595 par le Receveur des Tailles Jacques Gobin, porte lui aussi une représentation de "Mélusine" au-dessus d'une fenêtre à fronton du deuxième étage. Elle ornerait aussi la cheminée du même Hôtel, aujourd'hui exposée au château de Terre-Neuve. Cette cheminée aux Griffons est remplie de personnages et d'animaux fantastiques, inspirés par l'œuvre de Jacques Androuet Du Cerceau. Bien que la tradition y voit quelques épisodes de la vie de la fée, il n'est pas certain d'y trouver Mélusine, d'autant que le miroir qui reflète son visage est absent de la légende traditionnelle évoquant plutôt un peigne. Ce miroir, commun aux sirènes, exprime la luxure et la beauté fatale. On trouve une sirène identique jusque sur le plafond peint en 1450 pour le château des archevêque de Narbonne, à Capestang (Hérault). Mais cette idée est étrangère à Mélusine bâtisseuse et fidèle à son mari et à ses enfants. On remarquera en outre que la queue de Mélusine est celle d'un serpent, non point d'un poisson comme est celle les sirènes.

Une province déchirée

Il est intéressant de noter que les châteaux bas-poitevins attribués à Mélusine sont tous situés sur la bordure Est du département de la Vendée, de Tiffauges au Nord, à Mervent plus au Sud. En fait, ils correspondent à une région où les mises en défenses consécutives à la guerre de Cent Ans sont aussi les plus nombreuses[7] . Les rénovations apportées alors aux églises et aux forteresses durant cette période ont certainement contribué à cristalliser un certains nombre de légendes autour de ces lieux, dans son roman rédigé à la fin du XIVe siècle, Jehan d'Arras s'en fait probablement l'écho. Durant cette longue guerre, les élites ont louvoyé, les ralliements aux vainqueurs, tantôt Anglais, tantôt Français, étant plus ou moins ouverts. C'est le cas des sires de Thouars qui tiennent Tiffauges et Pouzauges. C'est aussi le cas des l'Archevêque de Parthenay qui tiennent Mervent et Vouvant. Ces deux familles serviront un moment le parti anglais. Miles de Thouars est seigneur de Tiffauges et Pouzauges entre 1395 et 1419. En 1411 il est nommé capitaine du château de Fontenay-le-Comte. Sa fille Catherine de Thouars épousera le célèbre Gilles de Rais, Maréchal de France et compagnon de Jeanne d'Arc. Quant à Guillaume VII l'Archevêque, alors qu'il garde Poitiers pour le prince de Galles, il commande à Couldrette de mettre en vers une Mélusine en langue française, à l'usage des partisans des Anglais. Son fils, Jean II l'Archevêque, est un brutal et un sot qui enferme sa femme, Brunissende de Périgord, dans le château de Vouvant. En 1405, il vend ses châteaux au frère de Charles V et oncle de Charles VI alors régnant, Jean de Berry. C'est ce même Jean de Berry qui avait commandé en 1392 à Jehan d'Arras de mettre en prose l'histoire de la fée poitevine, fondatrice de la lignée des Lusignan. Cette vente ne sera jamais honorée, il faudra deux ventes successives au Roi pour que les biens de Jean II soient attribués définitivement au connétable Arthur de Richemont en 1425. Quant à Châteaumur, à la même époque, il est entre les mains d'Olivier de Clisson, Connétable de France. D'abord au service d'Edouard III, puis de Charles V, Clisson combat du Guesclin en 1367 et fait alliance avec lui en 1370. On comprend que dans ces conditions, les habitants n'ont dû le plus souvent compter que sur leur propre force pour résister à la soldatesque. C'est dans cette France de l'Ouest déchirée par la guerre que surgit la volonté de mettre en roman l'histoire de la forteresse de Lusignan et du lignage dont elle avait été le berceau. Les seigneurs poitevins ressentent alors le besoin de s'ancrer au plus profond du passé culturel de la province : S'affiert à tout homme de bien, S'enquerir moult fort des histoires, Qui sont de loingtaines mémoires.... [8]

Francis Moreau
2011


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Notes :


[1] "Eo tempore Theodelinus abba transtulit ossa sancti Rigomeri presbiteri a Cenomanico pago, temporibus Fulconis et odonis comitum" (chron. de Maillezais).
[2] Jean d'Arras,Mélusine ou la noble Histoire des Lusignan (Jean-Jacques Vincensini, Paris, Le Livre de Poche, 2003. Voir aussi Jean Markale, "Mélusine", Retz 1983 et "Aliénor d'Aquitaine", Payot 1983. Sur Mélusine et sa légende, voir la Revue du Bas-Poitou 1894/494,1904/80.191.203.265,1905/59.
[3] Le château de Talmont est une fondation comtale de Guillaume V le Grand. Le premier châtelain en fut Guillaume le Chauve, demi-frère de Guillaume V. Par héritages successifs, il appartint aux Lezay, aux Mauléon puis aux vicomtes de Thouars et les La Trémoïlle, jusqu'à la Révolution. Richard Cœur de Lion en fut le coseigneur au temps de Raoul III de Mauléon (1180-1200). Certains veulent voir en Richard le modèle de Geoffroy Grand'Dent, le fils de Mélusine, fils du diable. Les comtes d'Anjou descendraient d'une fée maléfique qui s'est évaporée dans les airs alors qu'elle assistait, contrainte et forcée par son époux, à la consécration de la messe, ce qu'elle avait toujours refusé de faire. "Istud autem Richardus sæpe refere solebat, dicens non esse mirandum si de genere tali et filii parentes, et sese ad invicem fratres infestare non cessent; de diabolo namque eos omnes venisse, et ad diabolum dicebat ituros esse". On prête ce mot à Richard : "De Diabolo venit, ad Diabolum ibit". (Giraud de Barri : De principis instructione, chap. XXVII) Pour certains clercs, les secondes noces d'Aliénor (avec Henri II d'Angleterre après une mariage annulé avec Louis VII de France) sont bigames, incestueuses et félonnes: ce ne sont évidemment que des ragots de cour. Pour comprendre l'époque, voire Martin Aurell "L'Empire des Plantagenêt", Perrin 2004 et 2009.
[4] Savary de Mauléon (1180-1233). Sénéchal du Poitou au nom de Jean sans Terre et Henri III d'Angleterre.
[5] Mélusine eut 10 fils marqués chacun d'une monstruosité particulière : le borgne de Py-Chabot avait un seul œil au milieu du front ; Geoffroy la Grand'dent, seigneur de Vouvant, avait une dent énorme pendant hors de ses lèvres ; Thibault le manchot... Un jour, le borgne de Py-Chabot, âme damnée de la Grand'dent a enlevé la fille de Thibault le manchot. Dans la détresse, l'infortuné père implore les secours du Roi, occupé dans le voisinage à rosser les Anglais. Saint Louis accourt sans plus tarder, mais le borgne trouve asile avec sa proie au château de Fontenay, dont le siège est entrepris. Les cris de victoire se font entendre lorsque Mélusine s'élève dans les airs à califourchon sur une "acouette" emportant en croupe son terrible fils Py-Chabot, sa captive, les 799 gibiers de potence qui défendaient la place, et un gros matou noir fort occupé à "ressouner" d'un moineau qui s'était trouvé sous sa griffe. "L'acouette" rapide comme "l'éloise" franchit les coteaux et les bois ravinés, va déposer sa charge sur la "motte de Vouvant" où Mélusine se hâte de ramasser, dans son "devanteau" de mousseline une "dornée" de pierres dont elle bâtit plus bas, en virant la main, la Grosse Tour pour y "caller sans bourder tot le drigail qu'a traina dare lé". A peine la porte fermée on voit arriver le Roi, bride abattue suivi d'un seul moine muni d'un bénitier. De sa forte main, il saisit le goupillon et lança une telle quantité d'eau bénite sur la tour qu'elle s'écroule incontinent et laisse à sa merci hommes et choses, armes et bagages, y compris l'infortuné matou. Quant à la fée, dans sa frayeur des brûlures d'eau bénite, elle entrouve du talon la terre et va sortir sous la chaise de "Catuche la revêche" qui dormait en triant des "mojettes" au nez de son voisin "micha". Le choc est si rude, qu'il envoie la vieille avant de retomber à la même place à côté de son "javeau" passer par dessus la lune où elle laisse échapper de sa main, dans un champ labouré quatre mojettes qui fournissent l'espèce du pays. Le borgne est pendu au chêne de la Grand'Rhée, le chat noir est brûlé vif devant l'église de Vouvant, les 799 gibiers de potence sont livrés aux grolles. Depuis cette aventure, Mélusine a cessé de hanter ses anciens domaines et Mervent, Vouvant et Lusignan sont allés en dévallant.... (Récit vendéen).
[6] Sont attribués à Mélusine les châteaux et les tours de Lusignan, Vouvant, Mervent, Saint-Maixent, Parthenay, La Rochelle, Pons, Saintes, Châtelaillon (Château-Aiglon), Talmont et Niort.
[7] Voir "La Vendée des origines à nos jours" Bordessoules 1982, pp.144 et 145.
[8] Prologue de Mélusine par Couldrette (Francisque Michel, Niort, MDCCCLIV).