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Francis Moreau

Présentation de travaux de recherches historiques et généalogiques

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Émile Blavet, né à Cournonterral (Hérault) 1838-1924

 

Émile Blavet apporte dans cet horrible métier qui consiste à tenir le public au courant de ce qui se passe dans les salons, dans les théâtres, dans la rue, dans tous les mondes, une bonne grâce toujours égale et un sourire toujours prêt... Pas l'ombre de prétention, une bienveillance très philosophique, au fond une indifférence absolue. Celui-là est un Parisien écrit Jules Lemaître [1] dans Les Contemporains [2]. C'est pourtant bien loin de Paris qu'est né le prince des chroniqueurs mondains: dans le Midi, dans un Midi ravagé de soleil et bientôt par le phylloxera !

Origine familiale et enfance

Émile Raymond Blavet est né le 14 février 1838 à Cournonterral [3] , gros bourg viticole de l'Hérault. Son père, Raymond Blavet, est un tout jeune instituteur. Sa mère, Joséphine Fenouil n'est autre que la fille du premier Directeur le l'École Normale Primaire de l'Hérault, Joseph Fenouil [4]. Tout semble sourire au nouveau couple quand l'impensable se produit. Le 14 août 1838, le jeune instituteur (il a 21 ans) décède pour une raison inconnue [5]. Émile a tout juste six mois !

Les grands-parents prennent en charge leur fille et leur petit-fils à Montpellier puis à Carpentras. Rongée de chagrin et de langueur, Joséphine Blavet (Fenouil) s'éteint en 1853 dans sa ville natale [6], son fils vient d'avoir 15 ans. C'est donc son grand père qui veille avec bienveillance à l'éducation du jeune homme.

Éducation et jeunesse

Émile Blavet fait ses études supérieures au Lycée Louis-Le-Grand à Paris. Élève plutôt précoce, à 19 ans il est professeur suppléant à Tournon puis à Clermont-Ferrand. À la rentrée de 1857, il est nommé professeur à Nice. Il y restera jusqu'en 1862. [7]

Débuts professionnels

En 1860, tout en restant professeur, il entre comme journaliste à la Gazette de Nice et au Lazzarone qu'il a fondé, puis devient directeur de La Revue de Nice. Il rencontre Alphonse Karr [8] qui l'encourage dans cette profession. Le 8 décembre 1861 [9] il épouse, à Nice, Marie Julie Émilie Pons, fille du médecin homéopathe Théophile Pons, un ancien élève de Hahnemann. Il décide alors d'abandonner le professorat et monte à Paris où il reçoit les leçons d'Aurélien Scholl. [10]

Carrière

Émile Blavet
Photographie d'Émile Blavet, Atelier Nadar, Album de référence de l'Atelier Nadar. Vol. 3, Bibliothèque nationale de France

En 1863, il est journaliste au journal Le Club et au Nain Jaune, deux journaux fondés par Aurélien Scholl, plutôt littéraires, où Blavet y côtoie à la même époque Barbey d'Aurevilly, Henri Rochefort et Théodore de Banville. Il collabore au Soleil et au Petit-Journal de Moïse Polydore Millaud en compagnie de Francisque Sarcey, Aurélien Scholl, Pierre Véron, Edmond About et d'autres. En 1867 il collabore à un autre journal de Scholl Le Camarade, puis au journal d' Antoine Grenier La Situation [11]. Enfin, en 1868 il entre au Figaro.

Le Figaro, dirigé par Hippolyte de Villemessant [12], était un journal avant tout parisien et littéraire, célèbre pour ses chroniques de la vie culturelle et mondaine. Il était l'écho du Tout-Paris et se définit après la Commune (1871) comme un journal conservateur-monarchique. Pendant l'Affaire Dreyfus, le journal sera ouvertement dreyfusard et ouvre ses colonnes à Émile Zola et Mathieu Dreyfus. La loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 avait permis la critique politique et les journaux de l'époque ne s'en privèrent pas !

Durant le siège de Paris en 1870, Émile Blavet est engagé volontaire dans le 1er Régiment d'Éclaireurs de la Seine et sert brillamment dans le Bataillon du commandant Poulizac. [13]

Journaliste au Corsaire en 1867, il fonde le journal réactionnaire Le Rural à Versailles en 1871. Puis en 1878 il devient rédacteur en chef du Gaulois dirigé alors par Edmond Tarbé [14]. L'année suivante, il est rédacteur en chef de La Presse, le journal fondé par Émile de Girardin [15]. En 1880 il collabore à l'Évènement puis au Voltaire, et encore au Clairon fondé par Jules Cornély [16]. Mais dès 1884 il reprend assidûment sa collaboration avec Le Figaro. Sous la signature de Parisis il y livre régulièrement une chronique artistique et mondaine, La Vie Parisienne, où sa plume peut y exprimer son talent et son humour. En 1886 il cumule La Vie Parisienne avec la Soirée Théâtrale sous la même signature que son prédécesseur Arnold Mortier [17]: Un monsieur de l'Orchestre. Émile Blavet signait ses articles sous divers pseudonymes : Parisis, Paul André, Memor, Le Masque de Fer, Balsamo, Cornelius. En 1889 il collabore également au journal L'Éclair.

De 1884 à 1890, il est Secrétaire Général de l'Opéra de Paris. Il échouera à se faire nommer Directeur après publication d'un article ironique d' Octave Mirbeau [18]qui le dépeint comme ignorant presque tout de la musique ! L'ironie est cinglante et désarçonne Blavet qui est pourtant à cette époque un auteur d'opéra et dramaturge reconnu.

L'actualité culturelle occupe alors une place de premier plan, le chroniqueur politique, littéraire, théâtral ou mondain tient le haut du pavé. C'est un homme de lettres qui veut avant tout rester un homme de style, au moment où la massification de la presse multiplie le tirage des journaux et accroît également le nombre des journalistes... ces derniers passent de 2000 en 1880 à 4000 dans les années 1890. Blavet tient sans doute plus à son statut d'écrivain qu'à celui de journaliste, appellation alors concurrencée par publiciste.... Pour les hommes de sa génération, le journalisme est avant tout un tremplin vers la littérature, le pouvoir ou l'administration, comme l'illustre son passage à l'Opéra de Paris.

Émile Blavet est un auteur prolixe. Il écrivit plusieurs pièces pour le théâtre et l'opéra dont Monte Cristo (1894); Les Chouans (1894); et la comédie Mon Oncle Barbassou (1891); Mimi-Pinson (1891). Outre ses Chroniques de La Vie Parisienne qui occupent sept volumes, il écrivit aussi plusieurs romans : La princesse Rouge (1882); Dent pour Dent (1883); Dalila (1902); l'Homme sans Nom (1904); Dolorès la Créole. Il laissa aussi un livre de voyage Au Pays Malgache (1897).

Presse et théâtre en héritage....

Couverture de La Vie Parisienne
Chartran, Page de couverture de « La vie Parisienne », 2e édition, Paris 1887

Émile Blavet divorce en 1888 et se remarie la même année [19] avec Lucie Dupuis, une artiste lyrique (soprano) qu'il avait remarquée en 1879 dans l'opéra comique de Ferdinand Hérold Le Pré-aux-Clercs, où elle se produisait dans le rôle de Nicette. En 1881, elle avait créé le personnage de Marie (Isabelle) dans Les Pantins de Georges Hüe. Elle décèdera en 1919 des suites d'une longue maladie.

De sa première épouse, il eut sept enfants:

La fin d'une époque

Au soir de sa vie, Émile Blavet avait vu disparaître tous ses fils. Retiré mais toujours courtisé, il est fait Officier de la Légion d'Honneur en 1919 sur la recommandation de Maurice Donnay [28]. Chevalier depuis 1881, il était aussi titulaire d'une dizaine de médailles étrangères. Travailleur infatigable, il fut pendant vingt années l'homme de Paris par excellence, le chroniqueur du boulevard, le journaliste le plus spirituel de la vie parisienne comme l'écrit si bien Maurice Prax [29].

Il décède le 10 novembre 1924 au 12 de la rue Boileau, dans le 16e arrondissement de Paris, et sera inhumé à Taverny [30].

Francis Moreau
2016

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Œuvres d'Émile Blavet :


Blavet et Albert de Saint-Albin : Le Ruy Blas d'en face, parodie, Théâtre des Folies Dramatiques 14.04.1872
Blavet et Gaston Salvayre : Le Bravo, opéra, Opéra National Lyrique 18.04.1877
Blavet et Gaston Salvayre : Richard III, opéra,Théâtre Italien de Saint-Pétersbourg 9.12.1883 et Théâtre Marie (Mariinsky) 21.12.1883
Blavet : Le Fils de Porthos, drame, Théâtre de l'Ambigu 12.11.1886
Blavet : Le Voyage au Caucase, comédie,Théâtre de la Renaissance, 29.11.1886
Blavet et Fabrice Carré : Les Délégués, comédie,Théâtre des Nouveautés, 28.11. 1887
Blavet, Paul Burani, Émile André : Ninon, opéra-comique, Théâtre des Nouveautés, 23.03.1887
Blavet, Alfred Delilia, Léopold de Wendel : Musette, opéra-comique,Théâtre des Bouffes-Parisiens 15.08.1888
Blavet et Fabrice Carré : Mon Oncle Barbassou, comédie, d'après le roman de Mario Uchard, Théâtre du Gymnase 6.11.1891
Blavet : Monte-Cristo,drame,d'après l'œuvre d'Alexandre Dumas et Auguste Maquet, Théâtre de la Porte Saint-Martin 15.03.1894
Blavet et Pierre Berton : Les Chouans, drame, d'après le roman de Balzac,Théâtre de l'Ambigu 12.04.1894
Blavet : Les Quatre nez de M. Hugues, traduit du provençal, 1873
Blavet : La Princesse Rouge, roman, 1882 (porté au théâtre par Théodore Henry, Théâtre Molière, 25.03.1911)
Blavet, Fabrice Carré : Ténor et Avoué, Théâtre de La Renaissance,1.01.1886
Blavet, Fabrice Carré : Le Rendez-vous Manqué, 1884
Blavet : Dent pour Dent, roman 1886
Blavet/Parisis : La Vie Parisienne, chroniques du Figaro, 1884-1890
Blavet, Alfred Delilia : Mimi Pinson, Vaudeville, Théâtre des Nouveautés 1886
Blavet : Halifax, Théâtre des Folies Dramatiques 1.03.1893
Blavet : Au Pays Malgache, récit, 1897
Blavet : Dalila, roman 1902
Blavet : L'Homme sans Nom, roman, 1904
Blavet : Le Jubilé de Molière, récit, 1923

Notes :


[1] Jules Lemaître, écrivain, 1853-1914.
[2] Les Contemporains, troisième série,Paris 1887, pages 277-278, lire en ligne.
[3] Archives de l'Hérault, Cournonterral 3E91/6 naissances 1838 acte 5. Mariage Blavet/Fenouil le 17 mai 1837 à Montpellier, acte n°128.
[4] Joseph Fenouil 1786-1864 (né et mort à Carpentras), Géomètre, puis enseignant, Directeur de l'école normale d'instituteurs de l'Ardêche et Directeur de l'école normale primaire de l'Hérault (1833).
[5] Archives de l'Hérault, Cournonterral 3E91/6 décès 1838 acte 25.
[6] Archives du Vaucluse, Carpentras 22597, naissances 1813, acte 171 et 22705, décès 1853, acte 199.
[7] Légion d'Honneur dossier LH/256/19, "Résumé de mes services", p.19.
[8] Archives des Alpes-Maritimes, Nice mariages 1861 acte 288.
[9] Alphonse Karr, romancier et journaliste, 1808-1890.
[10] Aurélien Scholl, journaliste, 1833-1902.
[11] Antoine Grenier, journaliste, 1823-1881.
[12] Hippolyte de Villemessant, journaliste et patron de presse, 1810-1879.
[13] Légion d'Honneur dossier LH/256/19, "Résumé de mes services", p.19.
[14] Edmond Tarbé, journaliste et homme de lettres, 1838-1900.
[15] Émile de Girardin, journaliste et homme politique, 1802-1881.
[16] Jules Cornély, journaliste, 1845-1907.
[17] Arnold Mortier, journaliste et auteur dramatique, 1843-1885.
[18] Journal La Lanterne du 16/11/1890, page 3. Arrêt des fonctions de Secrétaire Général de l'Opéra, sous la direction de MM. E.Ritt et P. Gailhard. Octave Mirbeau 1848-1917, écrivain et journaliste, voir Correspondance Générale, tome 2 "l'Age d'Homme", Lausanne 2005, page 383, note 1, lire en ligne.
[19] Archives des Alpes-Maritimes, Nice mariages 1888 acte 212 (divorce) et Paris 9e mariages 1888, acte 659.
[20] Maxime Lisbonne, ancien communard, directeur de cabarets, directeur du Concert Lisbonne (1894), 1835-1905.
[21] Blanche Cavelli, comédienne, créatrice du premier strip-tease au théâtre (1894), 1875-1951.
[22] Georges Wague, acteur et mime, 1874-1965.
[23] Émile Rochard, producteur et directeur de théâtre, 1851-1918.
[24] Constant Coquelin, comédien et directeur de théâtre, 1841-1909.
[25] Départ de Marseille le 11 février 1896 sur le "Djemmah".
[26] Émile Buré, journaliste, 1876-1952. Voir Marion de Flers, Le Mouvement Socialiste, dans les Cahiers Georges Sorel, année 1987/volume 5/numéro 1/pp.49-76, lire en ligne.
[27] Jean-Baptiste Duroselle, "Clémenceau", Le Nouvel Observateur Fayard 2012.
[28] Maurice Donnay, auteur dramatique, 1859-1945.
[29] Maurice Prax, écrivain, 1881-1962, Le petit Parisien du 13 novembre 1924, lire en ligne.
[30] Notice bibliographique d'Émile Blavet (1838-1924) sur data.bnf.fr, lire en ligne