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Francis Moreau

Présentation de travaux de recherches historiques et généalogiques

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L'Abbaye de Saint-Sauveur de Lodève et ses Abbés au XVIIIe siècle

 

Probablement fondée à la suite du grand mouvement monastique initié par saint Benoît d'Aniane, l'Abbaye de Saint-Sauveur fût réformée et installée dans l'enceinte même de la ville de Lodève par l'évêque Fulcran au cours des années 980-996. Ce monastère était établi près de la cathédrale, sur le site d'une église précédemment consacrée à la Sainte-Croix. Il n'en reste aujourd'hui que quelques vestiges incorporés dans des maisons privées.

C'était un petit monastère prévu pour seulement douze moines. Son recrutement était donc essentiellement local, mais il était dirigé par un abbé mitré choisit et désigné par l'évêque de Lodève : Abbas debet eligi de consensu episcopi qui electionem, si confirmandam viderit, confirmabit. Abbas debet episcopo promittere obedientiam, et jurare fidelitatem et facere recognitionem episcopo.... Debet abbas personaliter interesse synodis episcopi, sedere ad dextram episcopi indutus cappa serica, et habere baculum pastoralem. (Livre Vert de Lodève).

Les tourmentes de la Guerre de Cent Ans portèrent un coup sévère à l'Abbaye qui dût supporter un amoindrissement de ses revenus et un relâchement général de la discipline monastique. Au XVIIIe siècle le monastère périclitait tout à fait avec une demi-douzaine de moines presque tous infirmes et des bâtiments mal entretenus.

En 1726, la sécularisation de Saint-Victor de Marseille auquel Saint-Sauveur était rattaché ne pût que précipiter sa chute. L'évêque Jean-Georges de Souillac (1732-1750) obtint en 1738 une Lettre Patente de Louis XV qui ordonnait l'extinction progressive des offices claustraux au fur et à mesure du décès des religieux et l'utilisation des bâtiments pour y installer un séminaire.

Mais l'extinction de l'abbaye ne signifiait pas pour autant l'extinction de l'abbatiat qui continuait à être conféré par le système de la commende et qui rapportait alors 1500 livres à son bénéficiaire. Jusqu'à la Révolution la charge d'Abbé de Saint-Sauveur resta donc pourvue.

Dans la France Pontificale M.H. Fisquet ne dénombre que trois abbés pour cette période. Les recherches menées à partir d'un blason trouvé dans les ruines du château-fort de Montbrun m'ont conduit à découvrir un quatrième abbé, Joseph de Leyssin, dont l'abbatiat s'exerça de 1770 à 1779. Il devrait donc porter le numéro 54 sur la liste de Fisquet tandis que P.R. de Douzainville doit porter le numéro 55.

Jacques-Antoine Phelypeaux du Verger 1697-1732

Le XVIIIe siècle commence donc avec l'abbatiat de Jacques-Antoine de Phélypeaux, évêque de Lodève depuis 1690 et frère du marquis de Phélypeaux, Gouverneur Général des Îles de l'Amérique. Ce brillant docteur en théologie à la Sorbonne, secrétaire de l'Assemblée Générale du Clergé de France, Abbé de Nant en Rouergue et de Saint-Gilles-du-Gard, passe pour être un mondain plus attiré par les salons parisiens que par les charges de son évêché. Cette réputation colportée par Saint-Simon est largement fausse. Ce fût un administrateur zélé et efficace. En réalité, il ne s'éloigna guère du Languedoc et mourut dans son évêché le 15 avril 1732.

Ses armes sont : Écartelé aux 1 et 4 d'azur semé de quatrefeuilles d'or au franc-quartier d'hermines; aux 2 et 3 d'argent à 3 lézards de sinople mis en pal.

François Le Noir 1732-1770

Théologal, Vicaire Général, Prévôt de l'église cathédrale de Montpellier, il est également vice-chancelier de la faculté de Droit. Il est nommé Abbé de Saint-Sauveur par le Roi le 14 juin 1732. Il n'a pas souffert de sa proximité avec un évêque jansénisant: Mgr Colbert de Croissy. A la mort de ce dernier (1738) il prend position en faveur du parti jésuite et se fait nommer Supérieur du couvent de la Visitation. Boutefeu du diocèse pendant la vacance du siège, il sera réprimandé par le nouvel évêque, Mgr de Charancy. Monsieur de Fénelon, alors Vicaire Général de Béziers, ne se privera pas de ses conseils dans ses démêlés avec certains prêtres jansénisants de son diocèse, mollement réprouvés par l'évêque de Béziers, Mgr Bausset de Roquefort. Souvent en visite à Béziers, François Le Noir, né en 1698 à Saint-Michel de Bize au diocèse de Narbonne, semble appartenir à la famille des Le Noir de Ribaute. Il devra accepter la sécularisation de Saint-Sauveur voulue par Mgr de Souillac. Il meurt à Montpellier le 14 juin 1770, à l'âge de 72 ans.

Joseph de Leyssin 1770-1779

Chanoine-Comte de Saint-Pierre de Vienne, Archidiacre de Castres, Vicaire Général du diocèse de Mâcon, Grand-Vicaire d'Embrun, Abbé de Notre-Dame de Boscodon (1779-1791), Joseph de Leyssin est le frère de Pierre-Louis de Leyssin, Archevêque d'Embrun. Il est nommé Abbé de Saint-Sauveur par le Roi le 15 septembre 1770 et succède ainsi à l'Abbé Le Noir. Ses armoiries figurent sur l'anse en étain d'une écuelle découverte lors de fouilles Archéologiques sur le site du château de Montbrun : d'azur au sautoir alésé d'or cantonné de 4 besants du même. Il abandonne son bénéfice pour celui de Boscodon (Hautes-Alpes), monastère que son frère avait sécularisé.

Blason de Joseph de Leyssin
Blason de Joseph de Leyssin, illustration du G.A.L.

Pierre Raphaël Joubert de Douzainville 1779-1791

Ce Jésuite, Vicaire Général de Dax, Grand-Chantre de la cathédrale de Saintes puis Vicaire Général de ce diocèse, était aussi le confesseur de Louise de France (1737-1787), dernière fille de Louis XV. Elle entra au Carmel de Saint-Denis où elle prit le nom de Mère Thérèse de Saint-Augustin. Il est nommé Abbé de Saint-Sauveur le 12 octobre 1779. A ce titre, il se fait représenter par un procureur fondé à l'assemblée préparatoire aux Etats-Généraux, qui se tient à Béziers du 16 mars au 6 avril 1789. Assez imbu de sa personne, il refusa de prêter le serment constitutionnel et mourut en déportation en Espagne. Avec lui se termine la longue histoire de l'abbaye Saint-Sauveur.

Francis Moreau
2009

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Sources


Gazette de France 1767 (Table 1631-1735 Tome 2 page 384).
Mercure de France, octobre 1770, page 211.
Mercure de France, 12 octobre 1779, page 123.
Dictionnaire de la noblesse, Tome VIII, de François Alexandre Aubert de la Chesnaye-Desbois, chez Antoine Boudet, Paris 1774, page 690.
Histoire Générale des Alpes Maritimes par le R.P. Marcellin Fornier, Champion Paris 1802, tome 3, pages 139 et 140.
L'Etat de la France, Tome II, chez Gosselin, Paris 1736, page 599.
Nouvelles Ecclésiastiques, mars 1740, page 37.
Nouvelles Ecclésiastiques, mai 1740, page 74.
Nouvelles Ecclésiastiques, juin 1751, page 90.
Cartulaire de Lodève, E. Martin, Etablissement du séminaire CCLXX, page 414-417.
La France Pontificale, M.H. Fisquet, diocèse de Lodève page 515.
Lodève l'Antique Luteva, G.Mareau, M.Cauvy, B.Castanier, Lodève 2009, page 56.
A.D. de l'Hérault, Montpellier 3E177/21