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Francis Moreau

Présentation de travaux de recherches historiques et généalogiques

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Le Château de Perdiguier à Maraussan (Hérault)

 

Château de Perdiguier, cour d'honneur
La cour d'honneur du château de Perdiguier, crédit photo LVCàM

Avec ses cinq tours imposantes, ses trois échauguettes dont une à deux étages, ses murs percés de nombreuses meurtrières, Perdiguier ne manque pas d'attirer l'attention par son aspect féodal et l'allure bourguignonne de sa toiture aux tuiles vernissées contrastant avec celle des châteaux languedociens.

Implantée au milieu des vignes, entre la rivière Orb et le village de Maraussan, l'antique demeure n'était au XIIIe siècle qu'une simple Tour sommairement fortifiée, érigée dans un souci de protection contre d'éventuels coups de main tentés par les bandes d'aventuriers qui sillonnaient alors la campagne. Le malheur des temps, les luttes religieuses, les luttes pour le pain et sûrement quelques distinctions honorables ou quelques fiefs bien pourvus, contraignirent ses habitants à l'agrandir et à en compléter les fortifications.

Le Château

Le château du XVIe siècle est un quadrilatère d'environ 30 mètres de côté, cantonné aux angles de tours rondes en forte saillie. L'aile nord est formée par l'ancien logis du XIIIe siècle, tandis que l'aile sud renferme une élégante galerie. Les murs extérieurs étaient uniquement défendus par le chemin de ronde qui couronnait vraisemblablement l'ancien logis. Sur la cour intérieure, au contraire, de belles fenêtres à meneaux d'un style pur et sobre permettaient à l'air et à la lumière de pénétrer dans les appartements. Les façades actuelles ont été créées aux XVIIe et XVIIIe siècles. On remarque également la tour principale et son remarquable escalier à vis qui commande l'accès aux différents étages ainsi qu'une belle cave voûtée avec son puits intérieur. Toutes les tours seront démantelées en 1792.

L'essentiel des dispositions XVIIe siècle se retrouve surtout dans l'aile ouest, restée intacte. A l'intérieur on y découvre les calades des sols, les charpentes, les plafonds à la française dotés de leurs fleurons de métal, toutes les menuiseries avec leurs serrures. À l’extrémité de l'aile, la tour sud-ouest abrite un plafond peint et un magnifique décor de paysage et de scènes champêtres, dans un décor architectural en trompe-l’œil. Les peintures réalisées a secco sur un mortier avec des pigments liés à la caséine, datent de la première moitié du XVIIe siècle. À cette époque, la tour encore aveugle, tenait lieu de cabinet secret, ce qui lui vaut l'excellent état de conservation de ses décors. [1]

XIIIe-XIVe siècles: Le château royal

Le château de Perdiguier s'est défendu à la fois contre les Grandes Compagnies, bandes de soudards sans emploi depuis le traité de Brétigny en 1360, les armées du duc de Berry en 1380 et une confuse jacquerie rurale, qui désolèrent le Languedoc pendant presque un siècle.

Anciennement appelée Bastide d'En-Auger, du nom de l'un de ses propriétaires , Henri Auger d'Assignan [2], le château et ses terres furent échangés en 1291 contre d'autres fiefs sis à Vendres et entrèrent conséquemment dans le domaine royal, selon un contrat passé entre le roi de France Philippe IV le Bel et Henri Auger.

En 1378 le roi Charles V concéda la bastide et les fiefs attenants à Jean Perdiguier, son zélé trésorier pour la province de Languedoc [3]. Le roi l’invita à entretenir à ses frais, un juge, un viguier, des sergents et des officiers, pour assurer l'ordre et protéger la population. Trésorier bien trop zélé sans doute (il s'agissait d'en finir avec la guerre de cent ans qui sévissait dans le Nord de la France), car il fut assassiné l'année suivante lors des émeutes de Montpellier. Son fils Louis recueillit alors l'héritage et donna son nom à la vieille demeure déjà plus que centenaire.

XIVe siècle: Une époque troublée

Le XIVe siècle est alors dans toute l'Europe une période troublée. Dans une atmosphère, où la tension entre riches et pauvres est entretenue par les difficultés économiques, les ravages de la guerre, ceux des disettes et des pestes, les exigences financières des souverains sont l'occasion de flambées de haine et de violences. Dans ce grand drame, le Languedoc a joué sa partie. Elle s'ouvre dans les dernières années du règne de Charles V : règne souvent considéré comme glorieux, car il a libéré presque tout le territoire des Anglais. Mais ce résultat n'a été obtenu que grâce à un effort financier, que la ruine du pays par les chevauchées d'hommes d'armes, les épidémies et disettes, ont rendu d'autant plus pénible [4].

En 1355, la chevauchée du Prince noir (fils du roi d'Angleterre Édouard III) qui le conduisit de Bordeaux au Languedoc pendant les mois d'octobre à décembre jeta la consternation. Après avoir mis le feu aux faubourgs de Narbonne, il s'était avancé jusqu'à Capestang avant de rebrousser chemin vers Bordeaux. Pour parer au danger d'une nouvelle irruption, on songea de toutes parts à fortifier. La Bastide d'En-Auger vit ses défenses renforcées.

En 1363, Maraussan est pillé par les routiers, qui occupent le château de Lignan et dont le seul métier était de faire la guerre. Ces soldats sans solde, réunis en bandes fortes parfois de deux mille hommes, s'étaient rués sur la Provence et le Languedoc jusque là épargnés. La peste de 1348 avait décimé la population. Elle récidive en 1372. Le village est déserté par la plupart de ses habitants.

Les émeutes

C'est dans ces conditions que les exigences fiscales du duc d'Anjou, Lieutenant du Roi en Languedoc, provoquèrent une émeute au Puy (avril 1378), relayée par les troubles de Nîmes. En octobre 1379, toujours pour les mêmes raisons, plusieurs officiers du roi sont faits prisonniers à Montpellier. Jean Perdiguier et la poignée d'hommes qu'il avait avec lui eurent la gorge tranchée, leurs corps traînés dans la rue, exposés à être dévorés par les chiens et enfin jetés dans un puits (25 octobre 1379) [5].

Les émeutes sont réprimées avec rudesse, mais en 1381 encore, la venue du duc de Berry (successeur du duc d'Anjou) à Béziers y provoquera une émeute. Jean Perdiguier laissa une veuve et un fils en bas-âge nommé Louis, à qui on donna Pierre de la Gautière comme tuteur.

Dans ce climat d'insécurité perpétuelle, on comprend la nécessité pour Louis Perdiguier d'un abri fort et sûr. On lui doit sans doute une partie des fortifications du logis principal dont il nous reste la base des échauguettes. Louis Perdiguier sera cité plus tard (1436) comme baille à la cour ordinaire de Montpellier [6]. Il vend le château et ses terres à un marchand de Montpellier, Jean Tallepan [7]. Celui-ci le cède le 31 octobre 1449 au sieur Étienne Petit. De cet acte de vente, il résulte que « Perdiguier » ne fut pas vendu comme seigneurie, mais comme domaine roturier. En 1462, la grange de Perdiguier est d'ailleurs citée parmi les granges de Béziers soumises à contributions, tailles et subsides.

XVe siècle: Le temps des Financiers

Blason de Pierre Dauvet des Marests
Plaque de cheminée arborant le blason de Pierre Dauvet des Marests, crédit photo : Charles Nijman Fireplace Antiques

A cette époque, la seigneurie et la noblesse qui l'accompagne, sont des modèles prestigieux qui polarisent les aspirations d'une bourgeoisie judiciaire, financière ou marchande, avide de reconnaissance. Le roi accède d'autant mieux à ce désir d'émancipation sociale qu'il tient à s'attacher des serviteurs compétents, dévoués et fidèles.

Nouveau propriétaire et premier seigneur de « Perdiguier », Étienne Petit était Contrôleur puis Trésorier Général du Languedoc [8], Audiencier en la chancellerie, secrétaire des finances de Louis XI et greffier du conseil du roi au temps de Charles VII [9]. C'était un personnage considérable qui présida plusieurs fois les État de Languedoc, entre 1445 et 1494, en tant que Commissaire du Roi. Il avait épousé Charlotte Briçonnet, dame de la Garenne, une parente des Briçonnet évêques de Lodève.

Dans son testament rédigé en 1522, Étienne Petit lègue aux consuls de Béziers une somme de quatre cent cinquante livres tournois à prendre sur sa terre de Perdiguier pour la moitié être distribuée à pauvres filles à marier et l'autre moitié être employé à l'édification d'hôpital pour y éberger les pestiférés dudit Béziers. A cette occasion il prend le titre de seigneur de Perdiguier pour la première fois.

L'une de ses filles, Madeleine Petit, dame de Saint-Sanson, épousa Pierre Dauvet, seigneur Des Marests, un petit-fils du procureur Jean Dauvet qui fut juge lors du procès de Jacques Cœur. L'autre fille, Marie, épousa Jean Lallemant, Receveur Général des Finances en Normandie de 1481 à 1484.

Pierre Dauvet (mort en 1541) était chevalier du roi, et maître des Requêtes où il fut reçu en 1515 sur résignation de son père [10]. Il reçut Perdiguier du chef de son épouse Madeleine Petit (1522). Son fils Nicolas Dauvet, lui aussi chevalier, seigneur des Marests, fut tué en 1546 au camp de Marolles par Claude de Clermont-Tallard.

Crime et trahison

Nicolas Dauvet avait précédemment tué Laurent de Clermont-Tallard lors d'une rixe au mois de janvier 1546. En apprenant la chose, son frère Claude décida de laver l’outrage alors qu’une opportunité se présentait. Il était en poste sur les frontières du nord de la France lorsqu’il entendit dire que Des Maretz, son ennemi, était sur le point d’y venir en service. Rassemblant quelques soudards de sa compagnie, Tallard partit à sa rencontre. Or, ces hommes en service et gagés s’étaient éloignés sans autorisation de leur capitaine et surtout, déguisés en Bourguignons impériaux, portant les croix rouges de Saint-André sur leurs casaques et criant "Bourgoigne ! Bourgoigne !". C’est ainsi qu’ils tuèrent Des Maretz, par une trahison! Pour cette action Claude fut décapité en place publique par le bourreau de Paris [11].

XVIe-XVIIIe siècles: La noblesse locale

Au XVIe siècle, la seigneurie languedocienne conserve encore tout son pouvoir d'attraction, mais elle est presque inexistante comme source de richesse. Les droits seigneuriaux sont ridiculement faibles. La productivité des terres agricoles reste stagnante. Les grands domaines sont handicapés par leur modeste superficie. On comprend mieux l'attitude hautaine et une certaine acrimonie dont feront preuves quelques nobles envers leurs fermiers, ou leur personnel. Plus l'institution seigneuriale se dévalorise, plus il est important d'en souligner le prestige.

Vers 1539,Pierre de Plantavit,seigneur de Margon, Saint-Nazaire-de-Ladarez et Villenouvette, achète Perdiguier à Nicolas Dauvet. Par la suite, il acquiert la seigneurie de Maraussan (1543). Pierre de Plantavit est à l'origine de la branche cadette des Plantavit de la Vallée Française. En 1547 il est cité comme seigneur de Maraussan,Villenouvette et Perdiguier.

La branche aînée de la famille, est devenue protestante. Elle s'illustrera étonnamment avec Jean Plantavit de la Pause, évêque de Lodève et aumônier d'Élisabeth de France, sœur de Louis XIII et épouse du roi Philippe IV d'Espagne. Le savant évêque de Lodève était non seulement un théologien de grande valeur, mais encore un hébraïsant et un orientaliste des plus lettrés.

En 1549, la sœur de Pierre, Jeanne de Plantavit, épouse Jacques de Rouch d'Arnoye et transmet le château à cette famille qui le gardera durant plus d'un siècle. La nobilité du domaine de Perdiguier est reconnue par l'usage, au grand dam des consuls de Maraussan qui voient ainsi fondre les revenus de leur communauté. Le fils de Pierre, Gabriel de Plantavit hérite quant à lui des seigneuries de Margon, Villenouvette et Maraussan. Conseiller d'État, ambassadeur à Rome, en Savoie et en Espagne, il sera tué en 1621 lors du siège de Montauban défendue par le duc de Rohan, révolté contre l'autorité de Louis XIII.

Jacques de Rouch d'Arnoye était Juge Criminel au Présidial de Béziers. Le siège du Présidial avait été créé en 1552, grâce au crédit du Connétable Anne de Montmorency auprès du roi Henri II. Le Présidial se chargeait en dernier ressort des délits mineurs. Il se composait d'un Premier Président qui se qualifiait de Lieutenant Général, d'un second Président, d'un Lieutenant d'épée, d'un juge Criminel, de sept conseillers, d'un Procureur du Roi, de deux avocats et d'un greffier.

Les luttes religieuses

Jacques d'Arnoye dut affronter le chef huguenot Jacques de Crussol dont la troupe se livra, en 1562, au pillage et au saccage de la cathédrale Saint-Nazaire de Béziers et de plusieurs couvents. Deux années plus tard, le 29 décembre 1564, le seigneur de Perdiguier est aux côtés des consuls de la ville pour accueillir le roi Charles IX et sa mère Catherine de Médicis. Pas moins de quinze mille personnes escortaient les souverains, qui entendaient exposer ainsi à leurs sujets une représentation de la puissance royale.

Le 18 août 1572, en respect des accords de la Paix de Saint-Germain, Henri de Navarre épousa la fille de Catherine de Médicis, Marguerite de Valois, soeur du roi Charles IX. Profitant de la présence à Paris des chefs protestants pour le mariage du Béarnais, Charles IX et son Conseil échafaudèrent un plan monstrueux: après un premier attentat manqué contre l'amiral de Coligny, chef du parti protestant, un second projet conduisit à décider du massacre de tous les Protestants le jour de la Saint-Barthélémy. Trois mille Protestants furent massacrés dans la nuit du 23 au 24 août.

Au mois d'octobre 1572, des ordres secrets ayant été donnés au vicomte de Joyeuse, lieutenant général en Languedoc, pour arrêter et exterminer les principaux protestants, Jacques II de Rouch d'Arnoye, (fils du précédent) seigneur de Perdiguier et lieutenant au Présidial de Béziers, épargna à la ville une réédition du massacre de la Saint-Barthélémy. Passant outre aux ordres du vicomte, il réunit dans l'Hôtel de Ville deux cents biterrois catholiques et leur fit jurer de s'opposer par tous les moyens à ce que le sang des protestants fût répandu dans la ville [12].

Son fils Jean d'Arnoye, lieutenant général, puis président au siège Présidial de Béziers, était seigneur de Perdiguier et co-seigneur d'Avène avec son frère Gabriel. Lors de son mariage avec Marie de Lort-Sérignan en 1608, les consuls lui offrirent un bassin avec aiguière d'argent d'égale valeur (Jean d'Arnoye était premier consul de cette année là).

Gabriel de Rouch d'Arnoye son fils, qui lui succède à Perdiguier, est un militaire. Capitaine d'Infanterie en 1637, chevalier des ordres du roi, premier consul de Béziers en 1645, il avait épousé Antoinette de Grave le 17 juin 1649.

Le jeune Marc-Antoine son fils aîné, né le 7 mai 1650, meurt prématurément à Perdiguier le 13 janvier 1676. Ses autres fils, Pierre de Saint-Marcel (décédé en 1730), Henri-Pierre (1753-1718) et Henri (1656-1725), abbé de Poussan et prieur de la Flêche, lui succèdent comme seigneurs de Perdiguier [13]. L'abbé d'Arnoye devra supporter un long procès contre les consuls de Maraussan au sujet de la nobilité des terres de Perdiguier. Finalement, les terres furent reconnues roturières et non nobles [14]. Au décès de ce dernier et selon son testament, c'est son cousin Thomas de Rouch d'Avène qui hérite de Perdiguier. Comme celui-ci est décédé, le domaine échoit à Antoinette de Rouch, sa fille, qui avait épousé le 18 septembre 1687, Hercule-Henri de Lort de Sérignan.

Les Militaires

A Maraussan, les rudes hivers de 1693 et 1694 occasionnèrent le décès de quatorze mendiants, les uns dans la campagne, les autres jusque dans le four commun où ils étaient venus chercher un peu de chaleur. Les deux frères de l'ermitage Notre-Dame succombèrent également. En 1699, des soldats Anglais et Irlandais, sous les ordres du chevalier de Winsley, logent au château. L'un d'entre-eux, Guillaume Saint-Jean (20 ans), du royaume d'Irlande, décède le lendemain de Noël, 26 décembre 1699 [15].

Jacques-Joseph de Lort de Sérignan (1689-1756), fils d'Hercule-Henri et d'Antoinette de Rouch, est capitaine de dragon puis lieutenant des maréchaux de France,marquis de Sérignan et seigneur de Savignac. Il avait épousé Anne Françoise de Serres en 1720 dont il eut Joseph-Henri-Constance, né en 1726. Il rend hommage pour Perdiguier le 8 mai 1734. En 1739 Jacques-Joseph de Lort rachète la seigneurie de Maraussan.

Joseph-Henri-Constance de Lort de Sérignan, est capitaine au régiment de Royal-Roussillon cavalerie et chevalier de Saint-Louis. C'est un aristocrate hautain et un militaire brutal avec ses domestiques et les habitants de Perdiguier et Maraussan. Ce qui lui vaudra quelques procès et des ennuis après 1789. Il vendra ses droits féodaux envers l'Hôpital de Béziers à la commune de Maraussan. En 1793, la municipalité refusera de s'acquitter de ces droits.

Il est reçu par Louis XV aux honneurs de la Cour le 10 décembre 1773. En 1789 il prend part à l'assemblée de la noblesse de Béziers.

La Révolution

A la fin du XVIIIe siècle, de nouveaux malheurs s'abattent sur la France et le Languedoc. 1790, c'est la Révolution, la fuite, l'exil, le pillage. A Perdiguier commissaires municipaux et commissaires du district se succèdent. Le domaine est enfin confisqué au profit de l'État en tant que Bien National et vendu à l'encan en 1793. Le 29 thermidor an II (16 août 1794), le conseil municipal de Maraussan expose au directoire du district de Béziers qu'il existe sous les scellés de Perdiguier, des meubles assez beaux pour mériter d'être conservés; que les insectes et les souris doivent les ronger; que si ces meubles doivent un jour se vendre au profit de la République, leur détérioration en diminuera considérablement la valeur et occasionnera un préjudice réel à la nation. Le conseil demande que les scellés soient levés, un inventaire fait et la garde des meubles confiée à un dépositaire solvable.

Château de Perdiguier
Château de Perdiguier, crédit photo Yvon Comte - Monuments historiques

Le dernier seigneur de Perdiguier, le marquis Joseph-Henri-Constance de Lort-Sérignan et sa femme sont internés à la maison d'arrêt du ci-devant évêché de Béziers. On lui reproche de professer des opinions inciviques et d'être fier et hautain. En ce qui concerne son épouse (née de Gaignon de Vilènes), sa qualité de ci-devant noble aristocrate la désigne comme d'autant plus dangereuse qu'elle a des moyens et beaucoup de méchanceté. En outre, elle a beaucoup regretté le tyran. Pendant ce temps la municipalité est chargée de faire l'inventaire des meubles et effets renfermés dans le château de Perdiguier (1er fructidor an III-18 août 1795). Le 15 fructidor (1er septembre 1795) il est demandé de réparer la partie du toit du château dégradée lors de la démolition d'une meurtrière (il s'agit d'une échauguette) qui existait au château [16].

Les de Lort de Sérignan furent définitivement dépossédés de leurs droits sur le domaine utile de Perdiguier (à l'exception du château), au titre des Biens Nationaux. Ils furent vendus comme biens communaux en 1813 et 1815. Ce domaine ce composait d'un four banal et des devois de Lirou et de Carlet. En 1828, le Conseil Municipal de Maraussan réaffirmait son titre de propriété sur ces biens. Une fois la tourmente révolutionnaire passée, le château reprit son statut de propriété privée [17].

Francis Moreau
2021

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Notes :


[1] Frédéric Mazeran, "L'évolution des châteaux en biterrois de la fin du XVe à la première moitié du XVIIe siècle (deux exemples remarquables: Ribaute et Perdiguier). Lire en ligne La chapelle du château est mentionnée dans les registres de Maraussan à l'occasion du baptême de Charlotte Raseire, née à Perdiguier et baptisée dans la chapelle de Perdiguier. Elle était la fille de Pierre Raseire, menuisier, demeurant à Agde et travaillant au château (9 septembre 1654, paroisse Saint-Symphorien).
[2] Henri Auger "d'Assanhan" aurait été jurisconsulte selon un acte établi à Fontès (Hérault) en 1327. Cité par l'abbé Bigot-Valentin dans "Histoire Populaire de Fontès et de ses environs", Montpellier 1878, page 59.
[3] Histoire Générale du Languedoc, notes et preuves, édition Privat, volume 10, col.1613-1614. "Lettre du roi Charles V pour son clerc Jean Perdiguier. Août 1378".
[4] Documents de l'Histoire du Languedoc, publiés sous la direction de Philippe Wolff, éd. Privat, Toulouse 1969, p.161.
[5] Histoire Générale du Languedoc, volume 9, p.872.
[6] Inventaire Louvet, page 103, acte 1199. Louis Perdiguier teste en 1437 en faveur de son fils Louis, qualifié de "Nobilis Vir" et co-ouvrier de Notre-Dame des Tables en 1429 et 1430. Voir Jean-Loup Lemaître, "Un inventaire des ornements liturgiques et des livres de l'église Notre-Dame-des-Tables à Montpellier (6 septembre 1429)"; et "Anciens textes campanaires de l'Hérault" in Mémoires de la Société Archéologique de Montpellier, 2e série tome V, Montpellier 1914, pages 434 et 435. Les Perdiguier étaient changeurs. Les changeurs effectuaient des opérations de change consistant en un échange de pièces de monnaie ou de devises d'un pays, d'une province, d'un seigneur, d'un évêque, contre ceux d'un autre. Ils étaient souvent conseillers des princes.
[7] AD Hérault 148 EDT 51 Délibérations consulaires de Maraussan.
[8] Histoire Générale du Languedoc, volume 10, col.2212.
[9] Noël Valois, "Le Conseil du Roi et le Grand Conseil pendant la première année du règne de Charles VIII", Bibliothèque de l'École des chartes, année 1882, pp.594-625.
[10] Louis Moreri, "Le Grand Dictionnaire Historique", tome III, Jean-Baptiste Coignard, Paris MDCCXXV, p.584.
[11] Élisabeth Chaussin, "Les années difficiles, le crime de Tallard" in Louise de Clermont-Tallard. Lire en ligne
[12] Histoire Générale du Languedoc, volume 11, p.552. Jacques II de Rouch avait épousé Claire de Lauzières.
[13] AD Hérault 203 J 11 Succession Rouch d'Arnoye-Transaction et arrêt du Parlement (4 mai)1765. Henri d'Arnoye (abbé) est l'auteur d'un discours intitulé "Le triomphe de Louis-le-Grand sur l'Hérésie" qui fut couronné par l'académie d'Anger (E.Sabatier, Histoire de la ville et des évêques de Béziers, Béziers, Paris, 1834,p.481). Il est parrain d'une fille du cocher Pierre Mauri le 2 mars 1670, son frère Pierre de Saint-Marcel signe avec lui (AD Hérault 1MIEC 148/1).
[14] AD Hérault 148 EDT 51. Les chanoinesses du Saint-Esprit de Béziers (nonnes blanches) disposaient également de possessions au terroir de Perdiguier. En 1675 l'abbesse était Gabrielle de Lort-Sérignan (1629-1709). Bulletin de la Société Archéologique scientifique et littéraire de Béziers, tome 1, Béziers 1895,p.310. Les terres de Perdiguier sont exploitées par un "mesnager et rantier": Martin MARTIN en 1671.
[15] AD Hérault, BMS Maraussan, 1MI EC 148/1. Deux officiers sous les ordres de John Berington, "esquire of Winsley": Robert Wingate et "Miles lanr..?" signent le registre des sépultures. John Berington, né en 1648, avait épousé Élizabeth Woolrych. Il peut s'agir d'éléments jacobites et catholiques (fidèles au roi Jacques II d'Angleterre, exilé en France) au repos à Perdiguier pour des raisons médicales. Le curé de Maraussan qui note "le seigneur Winsley (anglois) qui reste aud. château", souligne par là qu'il n'était pas apte à se déplacer. Voir "The Names of the Roman Catholics, Nonjurors, and the others, who refus'd to take the OATHS", by CHARLES COSIN, the second édition, London, 1746, page 36. Les Berington portaient pour armoiries "De sable, aux trois lévriers d'argent courants, au collier de gueules, à la bordure du second".
[16] Pierre Varaldi-Balaman, "Maraussan près Béziers village occitan Deux Mille ans d'Histoire", Béziers 1981, p.120. Au sujet de la démolition des tours qui excèdent les bâtiments, une instruction du procureur général syndic du directoire du canton précise bien que "la démolition des tours en question ne doit porter que sur l'excédent des toits" (lettre du 17 octobre 1792).
[17] P. Varaldi-Balaman, op.cité, pp.120 à 126.